De la comptine « Rasa Sayang » à… Pantun Sayang

Pantun Sayang, au fait, ça veut dire quoi, exactement ? En tapant ça sur l’ordi, on a de plus en plus de choses venues de là-bas qui arrivent…

Je vais vous le dire. Mais auparavant, souvenez-vous : Pantouns 13, décembre 2014, « Spécial Enfance » : on y trouvait une très ancienne comptine malaise, des « Petits Poussins », suivie d’une si belle variante de Marie-Dominique Crabières…

Petits poussins s’en vont par dix,
il en sort un, les voilà neuf.
Levons la main : les doigts sont dix,
il faut que je vous fasse un aveu

Petits poussins s’en vont par neuf,
il en sort un, les voilà huit.
Il faut que je vous fasse un aveu :
je rêve d’être capitaine.

Comptine des Petits Poussins
Une variante, par M.D. Crabières :

Petits poissons n’ont pas d’hélices
mais sous l’écaille, un cœur tout neuf.
Petits poussins s’en vont par neuf,
un dans la paille, les voilà huit!

Sous les écailles, un moteur neuf,
Attendez, attendez la suite..

La suite ? Une association qui nous ramènerait si loin, si loin… et voici que Noël arrive !…

Alors, pantun sayang ?…Le nom que nous avions choisi est parfaitement intraduisible. A l’instar du nom de la célèbre comptine malaise (indonésienne), auquel nous nous sommes référé en créant notre site, « Rasa Sayang ». Rasa, vocable d’origine indienne, s’utilise notamment en musique : c’est le « mood » anglais, et donc le « mode » qui permet, en musique, de l’exprimer le mieux, majeur, mineur, dorien etc. Tout morceau de musique indienne est fondé sur un rasa, mode et état d’esprit, spécifique. Il y en a pour le petit matin, pour le soir, pour la compagnie, pour la solitude, pour l’amour, pour le désespoir… Ici, le titre de cette comptine pourrait être « Sentiment d’amour ». Amour érotique (latent), mais seulement parce que le contenu va en ce sens : « Voyez cette fille là-bas au loin… ». Car le sayang, c’est aussi ce qu’on éprouve quand on a envie d’embrasser un bébé, ou bien quand on a pitié. C’est toute émotion qui nous porte au-delà de nous même….
Pensons à cet exemple, dont on pourra varier à loisir la traduction, tant le message est ouvert, dans lequel le pembayang annonce un amour impatient, ou amusé, ou amer, ou parti…

Anak pelanduk di luar pagar
sayang patah sebelah kakinya
Tujuh tahun gunung terbakar
baharu sekarang nampak apinya

                Pauvre petit cerf-nain derrière l’enclos,
voyez comme elle est cassée, sa patte !
Voilà sept ans que la montagne brûle,
c’est maintenant qu’on remarque sa flamme !
(Le Trésor malais, 105)

Alors, notre site, c’est un peu du « franglais – pardon, du fran(ma)lais ». Envie soudaine et irrépressible de pantouner. « Pantoun chéri », « Mon petit pantoun adoré à moi »… ce serait pas mal !

Voici, entre autres, un ensemble pantouné de la comptine, où l’on trouvera également deux traductions en anglais, littérale et poétique. J’ai déjà traduit plus haut le vers trois du refrain, le seul vraiment traduisible donc, j’ajoute ensuite simplement les références des traductions en français pour les pantouns déjà traduits :

Rasa Sayang :

Refrain :
Rasa sayang, hey!
Rasa sayang sayang, hey!
Hey, lihat nona jauh,
Rasa sayang sayang, hey!

Pantouns (couplets libres)

Buah cempedak di luar pagar,
Ambil galah tolong jolokkan;
Saya budak baru belajar,
Kalau salah tolong tunjukkan.
Les Centuries Pantoun, 17 « Le Champedak », G. Voisset

Pulau Pandan jauh ke tengah,
Gunung Daik bercabang tiga;
Hancur badan di kandung tanah,
Budi* yang baik dikenang juga.

L’Ile de Pandan apparaît au large,
son Pic de Daik divisé en trois.
Le corps a pourri en terre déjà,
le bien qu’on a fait* ne s’oublie pas. (Trad. inédite G.V. 2018)

Dua tiga kucing berlari,
Mana sama si kucing belang;
Dua tiga boleh ku cari,
Mana sama adik seorang.
Les Centuries Pantoun, 19 « Le Chat Tigré » », G. Friedenkraft

Pisang emas dibawa berlayar,
Masak sebiji di atas peti;
Hutang emas boleh dibayar,
Hutang budi dibawa mati.
Les Centuries Pantoun, 7 « Les Bananes d’or », F.R. Daillie

*Sur la traduction de budi, voir également la comptine « Le Poisson Soldat »/ Ikan Kekek Mak Ilui

Une version malaise contemporaine :

Une version indonésienne ancienne dans le documentaire « Insulinde zooals het leeft en werkt » :

D’autres comptines avec pantouns, sous la forme de vidéos pour les enfants :
Chan Mali Chan 1ère vidéo :

Chan Mali Chan 2ème vidéo :

Ikan Kekek Mak Ilui :

Georges Voisset et Cédric Landri