Sélection « L’Animal »

Image : Binturong par Pengbo Gao (cliquer pour agrandir)

Valeria Barouch

Madame poisson-globe choisit comme époux
Celui qui dessine une parfaite rosace.
Que faut-il pour que je baisse mes garde-fous ?
Compose-moi un petit jardin de vivaces.

La taupe naît avec une vue parfaite ;
Elle devient aveugle avec le temps.
Au fil des ans, il a mis aux oubliettes
Sa douce moitié qu’il admirait tant.

***

Teva Cheung

Un serpent dort, tapi sous une pierre
Fauteuil d’un lapin faisant sa toilette
Sous l’innocente apparence se terre
Parfois la faim dissimulée d’une bête

***

Marie Derley

Les corbeaux morts

Deux corbeaux noirs ont trépassé
dans le filet du groseillier.
Les humains peuvent succomber
eux aussi d’avoir trop mangé

***

Nathalie Dhénin

Allée des jonquilles, pantoun suivi

Allée des jonquilles où volent des plumes
Au loin des gloussements de gallinacés
Entre nos paumes des feuilles d’or en demi-lunes
Se découvrir à travers un parc animalier

Apparaît sous nos yeux ébahis l’allée des fées
Sous un rideau de clochettes printanières
Même les papillons ont des vitraux greffés
Pour enchanter notre rencontre potagère

Plus loin se trouve l’enclos où bêlent les chèvres
L’une d’elles saute par-dessus la clôture
Rien ne sert de nous mettre dans une réserve
L’amour défait de lui-même les coutures

D’un ciel bleu tacheté de l’haleine des anges
Paraît un nuage d’abeilles qui vrombit
Au moment où tu me tresses des louanges
Prends soin de ne pas faire de pudibonderie

A l’heure du goûter sonne la course aux lapins
Tous les enfants du parc hurlent pour leur favori
Chaque jour démarre l’appel du réveil matin
Et mon chien aboie et veut ses cajoleries

***

Babi Rusa par Pengbo Gao

Chris Falcoz

Petit poisson

Le poisson erre au fond de l’océan
Invisible aux yeux de ses prédateurs
Mon chagrin se terre efficacement
Invisible aux yeux de mes harceleurs

Le blaireau, pantoun lié

Ce matin, la forêt embrumée
Relâche un parfum ensorcelant
Ma nuit de chasse est terminée
Me voici qui rentre en bondissant

Relâche un parfum ensorcelant
Le ruisseau qui inonde la terre
Me voici qui rentre en bondissant
Allègrement de pierre en pierre

Le ruisseau qui inonde la terre
Brille d’un éclat magnifique
Allègrement de pierre en pierre
J’apprécie ce spectacle magique

Brille d’un éclat magnifique
Ce matin, la forêt embrumée
J’apprécie ce spectacle magique
Ma nuit de chasse est terminée

***

Maela Fleury

L’animal qui suit son instinct
Connaît la seule voie pour lui.
L’être humain qui fuit son instinct
Connaîtra-t-il la voie pour lui ?

Animal, toi qui habites dans la forêt,
Protège-la de ses destructeurs.
Ami mâle, toi qu’animent justice et paix,
Protège-moi de mes détracteurs.

***

Chloé Gallien

Une lionne

Les lions plissent les yeux, en attendant, confiants,
Le retour de leur muse, apportant le repas.
Balançant mes cheveux en flammes dans le vent,
Je cours et je m’amuse… mais je ne rentre pas

***

Jassem Gheram

Dans la forêt moderne aux arbres bétonnés,
l’amnésie assèche toute essence primale.
Rappelé aux bases d’une nature innée,
dépourvu de tout, il redevient l’animal.

***

Calao par Pengbo Gao

Olivier Haleng

Une histoire de chats

Les chats sont gris, la lune blême,
dans le crépuscule malais.
– Qu’est-ce donc, Duchesse, un poème ?
– Un pantoun, Monsieur O’Malley !

***

Arnaud Keller

La dentelle attrape le vide
Et par la lumière, honore cet art ;
Ainsi l’épeire tisse une toile de rides
Que l’aurore anime des rayons du hasard

Langue de feu sinuant du cône volcanique
La lave ardente rampe impétueusement
Sur le sol calciné, la couleuvre pacifique
Zigzague sur la cendre, silencieusement

Etincelle miroitant sur l’océan
Emportée par la vague déferlante
Les écailles de la sardine à l’instant
Lancent un éclair dans mes pupilles dormantes

Une apostrophe au-dessus d’une voyelle
Enjolive la sonorité de ton langage
Dans le ciel, l’aigle déploie ses ailes
Très haut, il embellit le paysage

Une apparition fantomatique éphémère
Et mon esprit se trouble de beauté
Quand l’écureuil s’affranchit de l’air
Et d’une branche à l’autre s’est élancé

***

Cédric Landri

Au fil des jours, quand Phébus devient rare,
Au loin s’enfuient les passereaux amers.
Au fil des ans, quand tremblent nos mémoires,
S’entrechoquent des sentiments contraires.

Dans l’escalier en colimaçon
S’est formé un bouchon. D’escargots.
Dans l’escalier de ma déraison
S’est formé un essaim. De vers faux.

Sous l’œil amusé d’une étoile,
La luciole essaie de briller.
Au fil des bals et festivals,
Tu sais séduire et scintiller.

Un jour, la fourmi verra
Qu’elle aime bien gigoter.
Un jour, tu découvriras
Que je ne sais pas danser.

***

Jean-Valéry Martineau

Magnifique, l’oiseau s’envole
Dans le ciel d’orage
Mon cœur s’emballe car je frôle
Les lèvres roses de ton joli visage.

***

Kasuari par Pengbo Gao

Valérie Michel

Le coq chante à tue-tête,
Il célèbre l’aurore.
Mon cœur se prépare à la fête,
Mes yeux se drapent d’or.

Le paon déploie ses plumes
En sublime couronne.
Les mets offerts allument
Les esprits qui fanfaronnent.

En catimini, le chat s’échappe
Avec un chapelet de saucisses.
Au cœur des joyeuses agapes,
Les invités se réjouissent.

***

Philippe Minot

Au buisson
quelques lucioles.
Au frisson
l’âme grisolle.

***

Wendekuuni Joël Dominique Zoungrana

L’oiseau dans son nid,
Chante à la terre.
L’homme dans son déni,
Vante sa chair.

Siamang par Pengbo Gao

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